Courtois ? "Il est comme Ronaldo: le joueur du XXIe siècle"
Durant treize ans, Gilbert Roex a poli le diamant à l’académie des jeunes de Genk. Entretien.
- Publié le 24-05-2014 à 12h22
- Mis à jour le 24-05-2014 à 19h10
Durant treize ans, Gilbert Roex a poli le diamant à l’académie des jeunes de Genk. Entretien Cette année, cela fait vingt ans que Gilbert Roex (55 ans) est entré à l’académie des jeunes du KRC Genk en tant que formateur des gardiens. S’il avait déjà plusieurs professionnels à son palmarès (Bram Castro, Ruud Boffin, Logan Bailly, Sinan Bolat et Koen Casteels), il n’avait encore jamais vu l’un de ses gamins en finale de la Ligue des Champions. Ce sera chose faite ce soir grâce à Thibaut Courtois, un garçon qu’il a connu quand il avait six ans et qui évoluait comme… défenseur.
C’est un scout du Racing qui avait repéré le petit Thibaut lors de sa toute première saison chez les Diablotins du Bilzen VV voisin en 1997. "Et comme tous nos autres jeunes de moins de dix ans, il a joué à tous les postes afin d’observer là où il se sentait le mieux", se souvient Gilbert Roex. "Ce n’est qu’à l’âge de dix-onze ans que nous avons vraiment installé Thibaut entre les perches."
Contrairement à un certain Kevin De Bruyne dans la catégorie supérieure, Thibaut Courtois n’est pas un phénomène. "Il était bon, évidemment, mais c’était juste un talent, comme il y en avait pas mal d’autres. Un garçon comme Sinan Bolat était, par exemple, bien plus impressionnant techniquement chez les jeunes."
Entre-temps, Genk a, en plus, découvert un autre jeune gardien un mois plus jeune dans la région : Koen Casteels est arrivé en 2002 de Betekom. "Ils étaient tous les deux doués, mais Koen s’est développé physiquement beaucoup plus rapidement que Thibaut. Koen devenait un homme alors que Thibaut était encore un enfant d’un mètre soixante à peine. On a d’ailleurs mis Koen dans une catégorie supérieure et il était toujours repris en équipe nationale. Thibaut, lui, a dû attendre ses premiers matches en D1 pour être repris chez les U19 puis les U21."
Puis, à quinze ans, Courtois se met à pousser, à n’en plus finir. "Il a pris 21 centimètres en un an", précise Gilbert Roex, encore estomaqué par la métamorphose. "Malheureusement, grandir aussi rapidement n’est pas idéal. Thibaut avait perdu sa motricité et il ne jouait pas bien. Genk voulait d’ailleurs s’en séparer et j’ai dû me battre pour qu’on le conserve. Il fallait juste bien travailler avec lui. Son talent était toujours là. On lui a fait un programme adapté avec moins d’entraînements pour qu’il s’habitue à son nouveau corps."
La persévérance de Gilbert Roex paie : une grosse année plus tard, du haut de ses 199 centimètres, Thibaut Courtois fait ses débuts en D1 le 17 avril 2009 contre La Gantoise (2-2). Les deux premiers gardiens (Verhulst et Franssen) étaient blessés. Casteels aurait dû faire ses débuts, mais il s’est aussi fait mal quelques jours avant le grand soir. "Thibaut n’avait jamais joué dans un grand stade. Je l’ai emmené sur la pelouse de la Cristal Arena la veille du match. Mais il était de toute manière très cool. Comme il sera en finale contre le Real ce soir. C’est marrant, il était parfois nerveux dans le passé. Puis un jour, il a eu le déclic et depuis il joue chaque rencontre comme s’il était avec ses potes."
Le reste de l’histoire est connu. Six ans plus tard, Thibaut Courtois est l’un des meilleurs portiers du monde. "Il n’a pas de défaut. Il peut encore progresser mais juste en améliorant ses points forts. On raconte que le Barça le trouvait un peu limité dans le jeu au pied, mais c’est tout le contraire : Thibaut est très fort du gauche et du droit. C’est juste que la défense de l’Atletico joue assez bas et qu’on ne voit donc pas trop cette qualité."
C’est plutôt vers la Premier League qu’il devrait se diriger. Un championnat où les gardiens sont souvent malmenés sur les phases arrêtées. "C’est vrai, mais quand Thibaut jouera en Angleterre, il va prendre du volume en quelques mois. Vous verrez, ils vont l’élargir là-bas. Mais bon, il sera jamais un bodyguard non plus. Il n’a pas besoin de ça : il est hyper-complet, comme Casillas et Buffon, sauf que Thibaut est plus grand encore. Cristiano Ronaldo est le joueur du XXIe siècle, Thibaut est, lui, le gardien du XXIe siècle. À l’avenir, on verra de plus en plus de sosies de Thibaut, des géants avec la technique d’un petit", conclut celui qui a patiemment poli le diamant du Limbourg.
Roex: "Les meilleurs gardiens du pays veulent venir grâce à Thibaut"
Des Thibaut Courtois, on n’en rencontre pas tous les jours. Le boulot de Gilbert Roex est pourtant de tenter d’en former d’autres. "Il faut beaucoup de paramètres pour dégoter un tel talent. En plus de ses qualités physiques et techniques, Thibaut a une grande force mentale. C’est même sa principale qualité, selon moi."
L’entraîneur des jeunes gardiens de Genk estime cependant que l’académie limbourgeoise possède quelques éléments capables d’atteindre un très haut niveau à moyen et long termes. "Je ne vais pas citer de noms afin que les intéressés restent les pieds sur terre, mais nous avons quelques grandes promesses chez les gardiens."
Et là aussi, Thibaut Courtois n’y est pas pour rien. "Savoir qu’il a été formé ici booste nos jeunes. Ils me posent souvent des questions sur Thibaut. Ils sont fiers de tenter de marcher sur ses pas. Grâce à lui, on peut aussi se permettre de mettre la barre plus haut sur l’exigence en matière de gardien. Les meilleurs du pays veulent venir à l’académie de Genk."
Roex a refusé Anderlecht et le PSV
Deux des trois gardiens qui partiront au Brésil (à condition que Koen Casteels soit suffisamment retapé) seront passés entre les mains expertes de Gilbert Roex."Une grande fierté", dit-il.
Mais qui est vraiment ce faiseur de champions ? "J’étais moi aussi gardien de but", raconte-t-il. "J’ai été formé à Waterschei puis j’ai joué en D3 et en Promotion en combinant avec mon travail de pompier à Genk. Je le suis toujours d’ailleurs. J’ai très vite aimé le coaching et j’ai passé tous mes diplômes."
Il a refusé des offres d’Anderlecht et du PSV Eindhoven, entre autres. "La caserne de pompiers est à 500 mètres de ma maison et le stade de Genk à trois kilomètres. Je suis bien. Coach des gardiens n’est en plus pas le job le mieux payé dans le monde du foot. Je ne peux donc pas me permettre de tout abandonner comme ça."
Roex: "Doubler sa rhéto a été une bonne leçon pour Thibaut"
À Genk, on suit de près les résultats scolaires des talents de l’académie. "Mais cela n’a jamais été un problème pour Thibaut jusqu’à sa rhéto", se souvient Gilbert Roex."Cette année-là, le Thibaut bon élève qui réussissait facilement avait laissé place à un garçon dissipé et pas très concerné par les cours."
C’est l’année durant laquelle il est devenu titulaire sous les ordres de Frankie Vercauteren à Genk. "Et il a commencé à être reconnu par les gens, les supporters mais aussi les filles", sourit Gilbert Roex. "L’école n’était plus sa priorité. Il a un peu profité de son nouveau statut. Cela s’est ressenti dans ses résultats et il a redoublé au collège Sint-Jan Berchmans de Genk. Cela a été un choc et une bonne leçon pour lui. Il s’est repris et a réussi sans souci l’année suivante. C’était quelque chose d’important pour lui."